Homélie du 2ème dimanche de l'Avent C - (Père Vincent Klein s.j.)

Luc 3, 1-6

Chers frères et sœurs,

Le temps de l’avent est dans la liturgie un peu comme celui de l’Ancien Testament. Dieu prépare son peuple à la venue du Messie, du Sauveur. L’avent, c’est singulièrement le temps des prophètes, dont le dernier est Jean-Baptiste, figure centrale des deuxième et troisième dimanche. Je ne peux que vous recommander, pendant ce temps de l’avent, la lecture des livres prophétiques de la bible, à commencer par les trois grands prophètes : Isaïe, Jérémie et Ezéchiel. C’est bien moins épais que la saga de Harry Potter et cela en vaut la peine, croyez-moi. Sinon, vous pouvez aussi choisir de lire les petits prophètes : Amos, Osée, Baruc, Daniel, Jonas, etc. Vous pouvez aussi lire les deux livres de Samuel ou des Rois, où vous rencontrerez les prophètes Samuel, Elie, Elisée et Nathan, autant de figures impressionnantes.

Mais qu’est-ce qu’un prophète au juste ? Les contours en sont peut-être devenus flous pour beaucoup d’entre nous. Je propose aujourd’hui de cerner les caractéristiques du prophète tel qu’il nous est présenté dans la bible. Et je pense qu’on peut distinguer quatre traits majeurs.

1. Le prophète est par définition un « porte-parole », un « porte-voix » de Dieu. C’est le sens du mot grec. Il est comme un mégaphone en tête de manifestation ou de procession. Il parle « devant, pour » un autre, en l’occurrence pour le Tout Autre. Il ne parle pas en son nom propre, mais il reçoit un appel de Dieu, une mission. Il la porte parfois à contrecoeur, comme c’est le cas de Jonas qui fuie l’appel de Dieu, mais finit par accomplir sa mission!

2. Le prophète agit donc au nom de Dieu. Il est dépourvu de tout intérêt personnel. Les faux prophètes essaient d’endoctriner les foules, de se les aliéner. Ils ont leur propre « agenda ». Souvent ils essaient de profiter de leur crédulité pour leur extorquer argent ou allégeance. Le prophète de la bible est dépourvu de moyens autre que la confiance qu’il met en Dieu. Il est souvent étonné que Dieu l’ait choisi, lui, malgré ses fragilités, son peu de talents. Bref, un prophète est un homme désintéressé, dont l’amour propre est broyé à la meule de l’appel ardent de Dieu.

3. Le prophète dénonce les injustices, les injustices dans le peuple et singulièrement de ses dirigeants. Il n’a pas peur de défier les puissants, les rois ou les chefs militaires, au prix parfois de sa vie. Le prophète est fondamentalement quelqu’un qui paie de sa personne. Nous le voyons très bien dans le livre de Jérémie. Combien de fois n’a-t-il pas échappé à la mort ? Ceci dit, le plus souvent, les rois craignent les prophètes et ne leur font aucun mal. Ceux-ci sont dépourvus de tout bien et n’ont d’autre arme que la parole de Dieu. Mais ils sont craints, car ils interpellent les consciences. La bible nous montre plusieurs rois qui changèrent d’attitude, qui entrèrent en pénitence, à la suite d’une parole prophétique qui les concernait, qui dénonçait leur attitude. Il suffit de se rappeler le roi David, qui s’est littéralement écroulé, après s’être condamné lui-même en écoutant la parabole du prophète Nathan.

4. Enfin et surtout, le prophète apporte l’espérance à ceux qui n’en peuvent plus. Nous le voyons particulièrement au temps de l’exil, quand le reste d’Israël a été déporté à Babylone (l’Irak actuelle). Dans les ténèbres les plus profondes de l’esclavage, alors que la plupart avaient perdu l’espoir de la liberté et jusqu’à la foi au Dieu Unique, des prophètes surgirent pour relever le peuple, pour lui redonner espoir, pour lui redire que Dieu accomplirait sa promesse. « Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère », nous dit aujourd’hui le prophète Baruch à la suite d’Isaïe. « Vois tes enfants rassemblés du levant au couchant par la parole du Dieu Saint. Ils se réjouissent, parce que Dieu se souvient. Tu les avais vus partir à pied, emmenés par les ennemis, et Dieu te les ramènes, portés en triomphe, comme sur un trône royal ». Ainsi le prophète dénonce l’oppression; il annonce, envers et contre tout, un Royaume de justice et de paix et redonne espoir au peuple accablé. Le prophète est un fou de Dieu. Il rame à contre-courant, il se fiche des convenances et parle aussi bien aux petits qu’aux grands.

Et là, pas de doute, Jean-Baptiste est bien un prophète lui aussi. Il marche devant, il n’hésite pas à interpeller les puissants, il secoue le peuple.  Et surtout, il s’efface devant Celui qui est plus grand que lui et il paiera de sa vie son engagement pour la justice et la vérité. Il nous invite à préparer la route du Seigneur, il nous invite à aider à combler les ravins du découragement, à chaque fois que nous rencontrons un frère et une sœur au fond du trou, qui a l’impression de ne pas pouvoir s’en sortir. Il nous aide à abaisser les collines infranchissables de nos ambitions ou des problèmes et situations qui nous semblent insurmontables.

Chers frères et sœurs, de par l’onction reçue au baptême, nous sommes nous aussi « prêtre, prophète et roi ». Nous participons à la mission prophétique de l’Eglise. Nous sommes appelés à nous engager au nom de notre foi, à dénoncer les injustices qui déforment les routes des petits et les empêchent de voir le salut de Dieu. Dans un monde où la foi se perd et les injustices grandissent, écoutons l’appel de Dieu à le servir et à le suivre. AMEN.