Homélie messe de la Sainte Famille (père Jacques Weisshaupt s.j.)

Publié le 27 Décembre 2009

(Dimanche 27 décembre 2009, Luc 2,41-52)


2009 12 Crèches 008- Quel titre donner à cette péricope de l’évangile de Luc ? On peut penser à : « Jésus enfant, est retrouvé le troisième jour dans le Temple de Jérusalem ». « L’enfant Jésus retrouvé au milieu des docteurs de la loi ». Formulé ainsi, ce serait comme s’il s’agissait ici d’un fait-divers de l’enfance de Jésus. Mais donner un « bon » titre, cela nous oblige à essayer une interprétation allant à l’essence du message !

            Les évangélistes Matthieu et Luc sont relativement discrets sur l’enfance de Jésus. Il y a très peu de pistes d’interprétation.

Sauf ici, chez Luc, cette exception, où il éclaire de façon surprenante l’histoire de l’enfance de Jésus, avec Marie et Joseph. Il veut nous indiquer où nous en sommes et où nous sommes invités à nous rendre en suivant l’itinéraire de vie de Jésus.

 

- Qui est donc Jésus ? Quand a-t-il commencé à voir clairement qui il est et quelle est sa ‘mission’ ? Seul Dieu dit parfaitement Dieu !

            Nous appuyant sur le Credo, nous « savons bien », nous « croyons » queJésus est le Fils de Dieu, il est Dieu, et il est aussi homme, Dieu et homme. Deux natures, une seule personne. La nature divine et la nature humaine. 

Ainsi,  comme tout enfant, il est normal qu’il connaisse le lent processus de maturation et de croissance que connaissent les enfants.

Or, ici, le texte manifeste clairement l’aspect ‘nature divine’ de Jésus, à douze ans : le texte nous dit qu’il n’y a pas de différence entre la maturité et la science de Jésus et celle des savants autour de lui. C’est comme si ce garçon avait l’âge et la connaissance de ces docteurs de la loi enseignant et débattant dans le Temple : Jésus, comme Fils de Dieu, n’a pas d’âge, il est de l’éternité même de Dieu, son Père.

 

            Nous pouvons aussi comparer, dans l’évangile de Luc, les premières et les dernières paroles de Jésus de Nazareth dans sa vie publique:

  • « C’est chez mon Père que je dois être… » (2,49) « dans les affaires de mon Père »
  • « Père, je remets mon esprit entre tes mains… » (23,46)

 

              La première phrase est prononcée par Jésus à douze ans, la deuxième, au moment de mourir, vers l’âge de trente ans. Ces deux phrases témoignent bien qu’il n’y a pas de processus de développement au niveau même de leur contenu souverain, la conscience de Jésus d’être en relation intime avec Dieu, son Père.

Jésus a toujours marqué une différence claire en parlant de « mon Père » distincte de la relation des hommes à Dieu : «  dites : notre Père », « votre Père qui est dans les cieux… ».

On peut en conclure que, selon le témoignage de Saint Luc , Jésus a su, dans la connaissance divine qu’il a de lui-même, d’où il vient et pour quoi Dieu, son Père, l’a envoyé dans le monde. Oui, Seul Dieu dit parfaitement Dieu !

            Reprenons brièvement quelques éléments du petit récit de Luc.

« Chaque année ». En juifs pieux, Marie et Joseph se rendent au moins une fois l’an, à Pâques, de Nazareth à Jérusalem, une longue marche d’une centaine de kilomètres !

« Quand le jeune Jésus eut douze ans, ils firent le pèlerinage suivant la coutume. » 

Jésus fait ce pèlerinage comme de coutume. Mais il a maintenant douze ans.

A douze ans, ce garçon juif est adulte, responsable de lui-même légalement. Jésus est laissé à lui-même  le temps convenu avec ses parents : « assis au milieu des docteurs de la loi, pour les écouter et leur poser ses questions… » Mais voilà que vient la surprise.

Après avoir prié et fait les offrandes prévues par la loi, Marie et Joseph sont repartis avec les villageois de Nazareth qui sont montés avec eux à Jérusalem. Et voilà qu’ils découvrent que Jésus n’est pas avec eux, et, pendant trois jours, ils le recherchent. L’indication « au bout de trois jours » est importante, et centrale dans les évènements de la passion et de la résurrection de Jésus, le troisième jour. Tout à la joie d’avoir retrouvé le jeune Jésus, Marie ne peut s’empêcher de lui dire : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi ! »  Ils sont sans doute étonnés et même stupéfaits : car, jusqu’ici, ils n’avaient jamais fait pareille expérience avec Jésus. D’ailleurs, note encore saint Luc, « ses parents ne comprirent pas ce qu’il leur disait », qu’ils eurent interpellé Jésus.

            Cette réponse de Jésus , Marie ne l’a jamais oubliée, elle « qui retenait toutes ces choses dans son coeur » et elle les a confiées à Luc, l’évangéliste, qui a tout noté exactement.

Le ton de Jésus est souverain, c’est celui d’un adulte, pleinement assuré d’agir en toute responsabilité. « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C’est chez mon Père que je dois être ! » Ces paroles sont au centre de ce récit, et elles sont là, comme la carte d’identité de Jésus, le Christ, le Fils de Dieu, sa Parole, son Verbe, l’expression de son Mystère, comme le diront Jean et Paul.

 

Il s’agit en effet des toutes premières paroles de Jésus rapportées par l’évangéliste. Jésus n’est plus l’enfant, infans, celui qui ne sait pas parler, qui n’a pas encore droit à la parole, selon l’étymologie latine. La traduction ne dit plus l’enfant Jésus, mais parle du jeune Jésus (païs en grec).

Maintenant Jésus, à douze ans, annonce déjà, en quelque sorte, qui il est et puis ce seront, pendant les 24 ans qui suivent, les années de la vie cachée, à Nazareth. Il reparaîtra ensuite,

lors de son baptême par Jean Baptiste et il inaugurera sa vie publique de façon paradoxale, dans le désert, où le démon vient le piéger : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de se changer en pain » A quoi Jésus répond, en citant l’Ecriture : « (Deut 8,3) Il est écrit : l’homme ne vit pas seulement de pain ».

Ainsi, à douze ans, dans le temple de Jérusalem, durant la Pâque juive, la plus solennelle des fêtes de son peuple, Jésus décline son identité en disant : « C’est chez mon Père que je dois être ! » C’est chez le Père de Jésus que nous pouvons le trouver.

La suite, cette longue vie cachée, si mystérieuse (pour les activistes que nous avons tendance à être), se passe effectivement selon le plan de Dieu. « Il descendit avec eux pour rentrer à Nazareth, et il leur était soumis… Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes ».

La personne de Jésus, c’est clair, nous met au défi, nous dérange, nous surprend, comme elle a surpris ses contemporains et même ses parents. Des lois sont relativisées, mises en perspectives, des choses impossibles deviennent possibles, ce qui est caché devient visible. On voit dans les récits de l’enfance, si discrets, que la grandeur est aussi dans la petitesse, et que se dégage une vision de la cohérence d’un sens de toute l’histoire, qui se révèle être fondamentalement une Histoire Sainte. On peut dire que le silence des évangiles sur le jeune Jésus est un silence réfléchi portant sur des choses qui ne peuvent être exprimées que par du silence, le silence respectueux du mystère : l’espace où nous pouvons chercher et trouver, « après trois jours », mis en mouvement par l’Esprit, Jésus avec le Père.

Ne pourrions-nous pas dire que ce mystérieux espace est symboliquement représenté par cet autre espace inconnu du Temple, le saint des saints, le cœur du sanctuaire, que le commun des mortels ne peut occuper ? Ce lieu est invisible. Et pourtant il est là. Sans commencement et sans fin. C’est l’espace de la grandeur de Dieu, qui n’est pas seulement invisible, mais qui est aussi incommensurable, infini, éternel.

C’est aussi le lieu où, symboliquement, sacramentellement, le Seigneur nous invite à nous retrouver en célébrant l’eucharistie. En refaisant ce qu’il nous a dit de faire, et en étant, selon cette autre traduction : « aux affaires de notre Père » « afin que son Règne vienne ! ».

Rédigé par Webmaster Christ-Roi

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