Homélie du deuxième dimanche de l'Avent (Père Josy Birsens s.j.)

Publié le 7 Décembre 2008

Homélie du 2e dimanche de l’Avent 2008

 

1. « "Je vous le dis aujourd'hui, mes amis, bien que nous devions faire face aux difficultés d'aujourd'hui et de demain, j'ai tout de même un rêve (...) Je fais le rêve qu'un jour tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées, que les passages tortueux deviendront droits et que les escarpements seront changés en plaine. Alors la gloire du Seigneur se révélera et tous en même temps verront que la bouche du Seigneur a parlé. »

Ces paroles du prophète Isaïe n’ont pas résonné entre les murs d’une église ou d’une synagogue le 28 août 1963, mais devant le Lincoln Memorial à Washington durant une marche pour l’emploi et la liberté. Elles font partie du célèbre discours du pasteur Martin Luther King « I have a dream ». Vous connaissez l’engagement de ce célèbre militant non-violent contre la ségrégation raciale et pour la paix. Il lui valut le prix Nobel de la paix en 1964, mais aussi d’être assassiné quatre ans plus tard, le 4 avril 1968.

« I have a dream » - j’ai fait un rêve, voilà des paroles qui nous touchent encore aujourd’hui au cœur, surtout en ce temps de l’Avent où nous sommes invités à laisser jaillir les désirs les plus profonds de nos cœurs et à nous mettre dans une attitude d’attente. Tel un prophète de l’Ancien Testament, Martin Luther King a su toucher juste pour réveiller les consciences endormies. A l’écoute de ses contemporains et des grands défis de son temps, vigilant et attentif aux signes de l’Esprit, il a su prendre le relais d’Isaïe, de Jérémie, de Jean le Baptiste et de Jésus de Nazareth. Sa parole brûlante a enflammé les cœurs aux Etats-Unis et contribué puissamment à un progrès d’humanité dans son pays et au progrès de l’humanité de manière générale.

Cet homme était porté par une foi profonde, une vision et des convictions qu’il est bon de nous rappeler en ces temps de crise financière et économique, mais aussi de crise morale et de société :

-         « Je crois que la vérité désarmée et l’amour inconditionnel auront le mot de la fin en réalité. Le bien, même temporairement vaincu, est plus fort que le mal triomphant ».

-         « La grande tragédie de la vie est que nous autorisons si souvent l’extérieur de nos vies d’absorber l’intérieur de nos vies. Quel est le profit pour un homme de gagner le monde entier de moyens – avions, télévisions, éclairage électrique – et perdre la fin : l’âme ? »

-         « Nous devons rapidement commencer à passer d’une société orientée vers les choses à une société orientée vers la personne ».

-         « L’amour est devenu une nécessité absolue pour la survie de l’homme. L’amour est la clé qui ouvre la porte qui mène à la réalité ultime. »

-         « Le pouvoir sans amour est dangereux et abusif, l’amour sans pouvoir est sentimental et anémique. Le pouvoir à son meilleur est l’amour qui réalise la demande de la justice, et la justice à son meilleur est le pouvoir corrigeant tout ce qui fait obstacle à l’amour. »

 

2. Qu’est-ce qui rend ces paroles si brûlantes ? Qu’est-ce qui fait que des personnes comme Isaïe, Jean le Baptiste ou Martin Luther King en deviennent les hérauts ? Et en quoi cela nous concerne-t-il dans notre marche vers Noël ?

a) Les paroles des prophètes sont si brûlantes parce qu’elles rejoignent une longue espérance qui sommeillait depuis longtemps dans les cœurs de leurs contemporains : l’espérance messianique pour les Juifs du temps de Jean, l’espérance d’une société vraiment égalitaire pour les Etats-Unis des années 1960. Sans doute les peines de la vie quotidienne, la compromission avec le pouvoir en place, la tolérance d’une situation sociale injuste ou un repli égoïste sur soi avaient recouvert les aspirations intérieures au bonheur du grand nombre. Mais voilà que la fougue et l’engagement juste de ces veilleurs de l’humanité que sont les prophètes sont parvenus à secouer les consciences avec leur appel à brûler tous les gravats accumulés du passé pour repartir sur de nouvelles bases. Voilà que leur rectitude morale et leur témoignage de vie redonnent l’espoir qu’un avenir meilleur est possible. Plus même : la construction de cet avenir s’impose comme une nécessité incontournable si l’on ne veut pas trahir la flamme de l’espérance que Dieu a déposée en nous !

b) Si Isaïe, Jean le Baptiste, Martin Luther King, Nelson Mandela, Raoul Follereau, mère Teresa et bien d’autres deviennent les hérauts d’une parole de libération, c’est parce qu’ils ont su rester vigilants pour accueillir une promesse qui leur venait d’en haut. Cet accueil les a d’abord littéralement retournés eux-mêmes à travers la souffrance, des oppositions et bien des déboires, mais ils ont su y rester fidèles en mettant de côté leurs propres avantages et intérêts. Ils se sont donnés corps et âme au message de justice qui leur était confié par Dieu pour hâter sa venue en apportant la nouveauté à laquelle beaucoup aspiraient sans oser trop y croire. Le recours aux moyens de la non-violence et de l’amour jusqu’au don total de soi a fini par convaincre les récalcitrants et les peureux, jusqu’à déclencher une vague de fond qui a emporté l’injustice, source de tant de violences latentes.

c) La vigilance à laquelle nous invite le temps de l’Avent nous dispose à prêter une oreille attentive à de telles voix prophétiques, qu’elles soient extérieures à nous ou viennent de notre propre cœur. L’exemple des prophètes d’antan et d’aujourd’hui nous stimule à poser un pas de plus : nous engager dans nos vies pour apporter la consolation, c’est à dire le bonheur durable et profond, à toutes les victimes de l’injustice, celle générée par l’égoïsme des hommes et celle engendrée par des structures économiques et sociales injustes. En sachant que nous ne nous prêchons pas nous-mêmes, mais Jésus, le véritable Sauveur, dont nous voulons préparer les chemins.

 

Trouverons-nous le courage dans le contexte de la crise actuelle d’élever la voix pour annoncer Jésus Christ et dénoncer ces inégalités (« ravins, montagnes, passages tortueux ») qui retardent sa venue ? Pour proclamer que la vie d’un malade en stade terminal compte autant que celle du manager performant ? Que le combat contre le choléra au Zimbabwe, contre la faim et la malnutrition dans les pays pauvres valent autant d’efforts que la recherche pour les maladies rares dans les pays riches ? Que le sort des nouveaux pauvres est aussi important que des opérations de sauvetage des banques et économies en difficulté ?

Mère Teresa n’aurait eu aucune peine à délier la courroie des sandales du Christ, elle qui était penchée toute sa vie sur des mourants. Martin Luther King non plus, courbé sous le fléau du racisme comme des milliers de ses compatriotes. Et nous ?

Rédigé par webmaster (p.m.)

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