Homélie du 33e dimanche ordinaire (Père Jacques Weisshaupt s.j.)

Publié le 16 Novembre 2008

Homélie du 33e dimanche ordinaire

 

Mt 25,14-30  parabole des talents

 

Frères et sœurs,

 

« Il y aura des pleurs et des grincements de dents… » Voilà une façon bien optimiste de terminer l’une des plus belles paraboles racontée par Jésus !

 

Mais ne perdons pas de vue dans quel contexte l’évangéliste Matthieu place cette parabole. Nous sommes dans la dernière série des discours de Jésus, dans la mouvance des discussions serrées avec les autorités religieuses d’Israël. C’est le fameux chapitre 25 de Saint Matthieu ! Le discours dit « eschatologique », - qui dit de quoi il retourne, en dernier ressort !

 

Dans l’ordre, à la fin de son discours, Jésus  raconte 4 paraboles, dont nous avons entendu les deux premières les semaines précédentes : la parabole du majordome, « le serviteur fidèle et avisé » qui a pour mission de « donner aux gens de la maison leur nourriture », au contraire du mauvais serviteur, qui « connaîtra le lot des hypocrites, là où seront des pleurs et des grincements de dents » ; ensuite, la parabole des dix jeunes filles, dont cinq, qui n’avaient pas pris suffisamment d’huile dans leur lampe, s’entendront dire : « en vérité, je ne vous connais pas ».

 

Et notre parabole d’aujourd’hui, celle des talents, est précédée de cet avertissement : « veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure ».

 

La quatrième parabole du discours de Jésus, nous l’entendrons dimanche prochain, c’est celle du jugement dernier introduite par les mots « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire… ».

 

Le discours de Jésus est donc bien dans le contexte du jugement dernier, de ce qui est finalement le plus important, du grand double commandement. L’enjeu vaut bien de sérieux avertissements ! C’est le même contexte de vigilance, que nous avons entendu dans la deuxième lecture dans la 1ère aux Thessaloniciens : « ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants ».

 

La parabole des talents est claire et facile à retenir en chiffres : cinq talents plus cinq, deux talents plus deux, un talent sans rien de plus… Mais, nous le savons, le Royaume de Dieu est hors calcul, il est de l’ordre de la gratuité, de la grâce, de la remise des dettes ! Comme la femme vaillante du livre des Proverbes : donner confiance, rendre heureux, travailler, soutenir les pauvres, ne pas miser sur les apparences…

 

Je retiens trois choses dans cette parabole. Car, en fait, Jésus nous y donne un encouragement extraordinaire à vivre la confiance, la liberté chrétienne !

 

Premièrement, le talent, une somme d’argent, a pris, grâce à cette parabole, le sens devenu habituel en français, de dons humains de création. Et tous les serviteurs ont reçu du mystérieux homme qui part en voyage des talents, sans que ces talents ne doivent peser sur eux comme une charge insupportable, mais chacun les a reçus « selon ses capacités ». Le donateur de talents connaît ses hommes et leur fait confiance à tous, sans exception !  N’est-ce pas encourageant ?

 

Deuxièmement. L’homme mystérieux qui confie les talents ressemble en quelque façon à Dieu dans le récit de la création, où le Créateur se retire en quelque sorte de la création pour la remettre entre les mains d’Adam pour qu’il la valorise. Et, désormais, par l’organisation du travail, nous sommes entré dans des façons de faire où nous nous confions à autrui, si bien que celui qui récolte n’est plus nécessairement celui qui sème…

 

Troisièmement, et c’est sans doute la leçon la plus importante de la parabole, c’est que la peur est mauvaise conseillère ! Que de fois Jésus a répété : « N’ayez pas peur, c’est moi ».  Analysons donc l’attitude du troisième serviteur, celui de l’unique talent confié…

 

Dans le dialogue avec son maître, il annonce d’emblée la couleur : « Seigneur, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu n’as pas semé, tu ramasses  là où tu n’as pas répandu le grain. J’ai eu peur, et je suis allé enfouir ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t’appartient. » Le contraste avec les deux premiers serviteurs est frappant : eux, ils commencent tous les deux par dire : « Seigneur, tu m’as confié cinq ou deux talents… » Ils sont d’emblée centrés sur l’autre – tu m’as confié, tu m’as fait confiance… Ils sont dans la ligne de la responsabilité créatrice de l’homme dans l’histoire. Tandis que le troisième serviteur ne sort pas de lui-même, il est autocentré, je savais, sur sa représentation du maître, une représentation toute négative et qui engendre la peur paralysante… « je suis allé enfouir ton talent dans la terre »… Jamais non plus il n’a considéré que le talent confié était son talent à lui !

Dans les commandements, il s’agit aussi bien d’aimer son prochain, que de s’aimer soi-même, tel que nous nous recevons des mains de Dieu… pouvoir dire : je te rends grâce pour la merveille que je suis…(Psaume 139)

 

Le Christ veut-il dès lors faire peur à celui qui a déjà peur ? Ce n’est certainement pas la leçon de la parabole. Non, il veut nous guérir définitivement de toutes nos peurs paralysantes. Et bien plus, Il nous confie, par cette parabole, d’apprendre à guérir autrui de ses peurs, de nous rendre ce service les uns aux autres, et, particulièrement, dans l’éducation, pas seulement de ménager judicieusement comme on dit « le bâton et la carotte », - nous ne sommes heureusement pas des ânes et nous n’avons pas affaire à des ânes ! – mais d’apprendre à ne pas nous réfugier dans des projections de perfection imaginaires, de ne générer dans  la relation pédagogique, ni des perfectionnistes, ni des scrupuleux, ni des angoissés, mais des êtres bons et fidèles, qui peuvent chaque jour, entrer dans la joie de leur maître, parce qu’ils vivent dans la reconnaissance : tu m’as confié tout ce que suis avec tout le contexte de ma vie ici et maintenant et je puis, selon mes capacités, remplir cette mission unique, de contribuer à rendre notre monde plus proche du Royaume, où nous sommes tous invités à entrer « dans la joie de notre maître ».

 

 

 

Rédigé par webmaster (p.m.)

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