Homélie de la Fête de saint Ignace 2008 (Père Josy Birsens s.j.)

Publié le 9 Août 2008

Fête de saint Ignace 2008

 

 

 

  1. « Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, si c’est en se perdant lui-même et en le payant de sa propre existence ? » (Lc 9,25)

Cette question que Jésus pose à ses disciples s’est trouvée au fondement de la vie spirituelle de saint Ignace. Alité et souffrant après la blessure de Pampelune, le non-sens de sa vie passée et notamment de sa quête de gloire militaire lui est progressivement apparu avec évidence. A l’inverse, les visites de Dieu sous la forme de consolations sensibles, de paix intérieure et d’enthousiasme pour les choses de la foi l’ont rempli d’un courage et d’une volonté de vivre qui étaient nouvelles pour lui.

Certes, il lui a fallu un long cheminement pour renoncer à ses rêves encore trop humains, pour se laisser purifier dans son désir de servir Dieu et pour découvrir le vrai visage de Jésus. Mais le feu avait pris en lui, un feu d’amour qu’il voulait partager au monde entier. Ainsi a-t-il pris le chemin de Jérusalem sur les traces de celui qui lui avait brûlé le cœur. Ainsi a-t-il commencé dès son retour de Terre Sainte à rassembler des compagnons autour de lui pour vivre de la même flamme. Ainsi s’est-il mis dès le départ au service des pauvres et des nécessiteux dans les hôpitaux de son temps pour leur témoigner quelque chose de la tendresse de Dieu.

C’est la rencontre personnelle de Jésus dans un long cheminement spirituel qui l’a amené à se mettre corps et âme au service du royaume de Dieu. Ayant reconnu, comme Pierre dans l’évangile, qui était Jésus pour lui : le Sauveur qui l’avait délivré de ses angoisses et de son enfermement sur lui-même dans une quête insensée de reconnaissance, il a su tout donner, librement cette fois-ci et par amour. Et son expérience spirituelle, il a pu la communiquer à des générations entières de chrétiens soucieux de vivre du même pain de vie, en com-pagnons de celui qui se donne en partage pour le salut du monde.

Comment comprendre aujourd’hui cette expérience spirituelle et comment en vivre de nos jours dans la fidélité à l’intuition de saint Ignace ?

 

2. L’illumination du Cardoner et la vision de La Storta sont au cœur de la spiritualité apostolique qu’Ignace a laissée à l’Eglise. Sur les bords du Cardoner, Ignace fait une expérience mystique qui lui ouvre les yeux et lui permet de voir toutes les choses sous un jour nouveau (Récit, 30). La réalité du monde lui devient comme transparente, lui permettant de voir Dieu à l’œuvre dans la profondeur de toute chose et l’invitant à « aider les âmes » (CG 35, Décret 2, n°5). Cette expérience va conduire Ignace et ses compagnons à rechercher la présence de Dieu dans le monde, à contempler Dieu au travail dans la profondeur des choses pour l’y rejoindre, avec sa grâce. La réalité du monde dans toute sa variété : sa richesse, mais aussi sa pauvreté, ses injustices structurelles, sa violence et son péché, va dès lors devenir le terrain d’engagement où le jésuite, où tout chrétien d’inspiration ignatienne, rencontre Dieu. Il s’agit de noter comment Dieu naît au cœur de ces réalités pour s’en laisser affecter et se mettre en marche à la suite de Jésus Sauveur.

Ce service du royaume sera évidemment placé sous le signe de la croix, puisque le monde est traversé par la grâce et le péché. Cela apparaît clairement dans la vision de La Storta au moment où Ignace va s’offrir avec ses compagnons au Pape pour le service de l’Eglise universelle. Dans la petite chapelle de La Storta aux portes de Rome, il voit Dieu le Père lui apparaître avec Jésus portant sa croix pour lui dire : « Je veux que tu nous serves » et encore « Je vous serai favorable à Rome ». Il est clair que le nouveau projet auquel Dieu convie Ignace n’est pas un rêve de chemins faciles, mais une vie à la suite de Jésus qui continue de porter sa croix dans le monde d’aujourd’hui. Qu’est-ce à dire plus précisément ?

 

3. La 35e congrégation générale qui a réuni 225 jésuites du monde entier à Rome cette année a donné la réponse suivante : « Suivre le Christ portant sa croix signifie s’ouvrir avec lui à toute soif qui afflige l’humanité aujourd’hui » (Décret 2, n°12). Aucune région aride du monde, au sens propre comme au sens figuré, ne doit nous laisser indifférents ! Comment le Christ peut-il y naître ? Comment lui, l’unique eau vive, peut-il apaiser toutes les soifs de l’humanité ? Comment pouvons-nous en hommes et en femmes d’Eglise, et en communauté, rencontrer les multiples besoins des hommes en nourriture, d’un abri, d’amour, de relations, de vérité, de sens, de promesse, d’espoir ? (ibid, 13)

Cela ne pourra se faire que si nous sommes à la fois des hommes (femmes, communautés) de prière et des hommes d’action, profondément insérés dans le cœur de Dieu et le cœur du monde. Si nous nous laissons habiter toujours davantage par l’amour qui nous vient de Dieu par Jésus-Christ pour nous porter avec lui au-devant des détresses matérielles et spirituelles que nous rencontrons. La vie de prière allumera et entretiendra le feu en nous qui peut engendrer d’autres feux, l’écoute de la Parole de Dieu et le discernement nous feront goûter à l’eau vive capable d’apaiser toutes les soifs plus que tous nos efforts purement humains. Ainsi serons-nous serviteurs de la mission du Christ, actifs avec lui dans un monde avide de sens et d’espoir.

En cette fête de saint Ignace, demandons le courage et la force pour tenir dans une vie de foi intense et un engagement non moins intense. Demandons la grâce de l’Esprit-Saint pour discerner la présence de Jésus présent et agissant dans notre monde traversé par tant de souffrance et pour joindre nos compétences, nos forces et notre temps à son action de rédemption du genre humain.

Rédigé par webmaster (p.m.)

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