Homélie du Jeudi Saint 2008 (Père Josy Birsens)

Publié le 21 Mars 2008

Jeudi Saint 2008

 

 

 

 

1. « Chaque jour, écrit mère Thérèse de Calcutta, je communie deux fois. D’abord à l’église, en participant à la sainte eucharistie. Ensuite dehors, dans les rues de Calcutta, chaque fois que je touche un pauvre ou un mourant. »

 

Trop souvent, ces « deux communions » sont séparées dans nos vies !  Ou bien nous célébrons avec ferveur le sacrement de l’eucharistie les dimanches, et nous oublions de  mettre en pratique l’amour de Jésus en semaine. Ou bien nous nous consumons dans les multiples services que la famille, la profession ou la société nous demandent, et nous oublions Celui qui nous permet de les rendre, Jésus-Christ.

 

Or, si saint Jean ne relate pas l’institution de l’eucharistie comme les trois autres évangélistes, c’est bien pour nous faire comprendre que le geste symbolique du lavement des pieds n’est pas autre chose que le partage symbolique du pain et du vin. D’un côté comme de l’autre, le Fils de Dieu se donne totalement et réellement pour que nous ayons la vie. D’un côté comme de l’autre, il nous rétablit dans une paix profonde avec Dieu, avec nous-mêmes et entre nous. D’un côté comme de l’autre, il fait signe vers la croix, le sommet de son amour pour le Père et pour nous, la source de toute réconciliation à venir après sa résurrection d’entre les morts.

 

Prenons donc le temps aujourd’hui de redécouvrir en profondeur les deux symboliques de l’eucharistie et du lavement des pieds. Demandons à l’Esprit-Saint de nous ouvrir les yeux et le cœur pour être unifiés dans la vie de foi à la suite de Jésus, dans l’action et la contemplation, le service et l’adoration.

 

 

2. Quand saint Paul rapporte fidèlement la sainte Cène – et il insiste bien qu’il ne retranche ni n’ajoute rien au récit des témoins oculaires[1] -, il nous montre d’abord Jésus qui rend grâces à Dieu. Dans cette action de grâces, sur laquelle nous aurions tendance à passer rapidement sans y faire attention, quelque chose d’essentiel s’exprime. Jésus vit toujours en relation étroite avec Dieu qu’il prie comme son Père. Au moment crucial de sa vie sur terre, il est tout entier tourné vers celui de qui il tient tout et à qui il veut tout rendre. Même le pain sans azymes, qui n’a rien d’un aliment exceptionnel, et le vin de la fête sont pour lui l’occasion de dire merci. Toute réalité, aussi humble soit-elle, est un don de Dieu. Ce que Jésus fait dans le partage du pain et du vin, comme tout au long de sa passion, il le fait au nom de son Père et pour lui rendre gloire.

 

En laissant à son Eglise le mémorial de ce repas frugal partagé, il inscrit du même coup tous les croyants, toute communauté de frères et soeurs, dans le mouvement de l’amour éternel de Dieu. Il nous invite à refaire les mêmes gestes jusqu’à la fin de l’histoire. Ils doivent tellement devenir nôtres que toute notre vie en est imprégnée : toute notre vie, pas seulement les quelques heures passés à l’église ou les moments de prière ! Recevant tout comme venant de Dieu, nous ne pouvons faire autrement, avec sa grâce, que de partager à notre tour autour de nous et de devenir serviteurs et servantes au service du royaume de l’amour.

 

La nouvelle alliance instituée par Jésus concerne bien tous les hommes, toutes les nations, toute la création même. Tout est appelé à participer à la résurrection, à la vie en plénitude et à l’épanouissement qui sera celui du Christ ressuscité. Voilà ce qui donne sens et consistance à nos multiples efforts de communication entre les hommes, d’éducation des enfants et des jeunes, d’établissement de règles équitables pour gérer le monde et ses ressources !

 

L’eucharistie est cette utopie de l’amour qui déjà prend corps autour de nous. Elle en est la source et la figure fondamentale.

 

 

3. C’est cela qu’exprime aussi le lavement des pieds que saint Jean nous rapporte. Aimer l’autre, lui ouvrir tous les chemins de vie possibles, c’est passer nécessairement par l’humble service et l’abaissement. C’est quitter le vêtement d’apparat, se nouer un linge autour des reins et faire le tour des convives avec la bassine d’eau. C’est, à l’inverse, se laisser faire : reconnaître qu’on a bien de la poussière aux mains et aux pieds, que l’on n’est pas pur entièrement. C’est accepter d’être servi par plus grand que soi et entrer ainsi dans la communion universelle établie gracieusement par l’amour surabondant du Seigneur.

 

Humilité de Dieu qui s’agenouille devant ses créatures, humilité de Jésus qui lave les pieds de ses amis, même à Judas, nécessaire humilité des disciples aussi qui reconnaissent que l’essentiel leur est donné par Jésus et par la foi en lui, et non pas obtenu par leurs propres forces. Le « grand soir » dont rêvaient des générations de marxistes n’est ni une nécessité aveugle de l’histoire, ni quelque chose produit surtout par le travail des hommes, mais un don d’amour reçu ce soir-là par Jésus-Christ et à partager entre frères et soeurs.

 

Si cet amour eucharistique remplit nos vies, si nous ne nous servons pas des autres pour notre propre bénéfice, fût-il spirituel, mais si nous imitons l’abaissement plein d’amour de Jésus pour chacun de nous, alors nous communions déjà à la vraie vie, la vie de Dieu même. Si cette veine irrigue nos peines et nos enthousiasmes de tous les jours, alors le royaume de Dieu se construit réellement. Et cela malgré les inévitables désillusions, découragements et obstacles ou plutôt à travers eux, car tout service d’amour est aussi chemin de croix. Mère Thérèse de Calcutta l’a durement expérimenté elle-même, mais sa « double communion » quotidienne lui a permis de persévérer dans la voie de l’amour et du service et, même, d’y accomplir des miracles au quotidien.



[1] « Frères, moi, Paul, je vous ai transmis ce que j’ai reçu de la tradition qui vient du Seigneur » (1 Co 11,23).

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